L’aidant présume toujours de ses forces, encore plus un aidant actif qui n’a pas d’autre choix pour sécuriser son emploi. Pourtant, son engagement et son efficacité au travail seront bien meilleurs si son entourage professionnel connaît ses contraintes, les comprend et répond dans la mesure du possible à ses demandes spécifiques et temporaires pour l’aider à passer un cap difficile .
Premier article d’une série à paraître sur Aidant Attitude. Lire
Ce n’est jamais facile de décider pour l’autre, et pourtant, c’est un des rôles de l’aidant, conjoint, enfant ou proche, de savoir le faire dans les moments difficiles…
Plus la décision est réfléchie et présentée bien en amont, plus elle a de chance d’être acceptée et bien vécue.
Encore faut-il l’assumer pleinement pour l’annoncer sereinement , et s’y tenir.
Extrait :
« Dessaisir une personne des gestes de la vie quotidienne est une décision grave : même si elle est prise dans une bonne intention, c’est un renoncement de plus pour la personne concernée. »
Le bon moment, c’est quand ? A lire sur Aidant Attitude
Ma dernière lettre s’adressait à une adolescente belle et rebelle. C’est à une courageuse quinqua, fatiguée par l’enchaînement de boulots physiques et insuffisamment valorisés, que cette nouvelle lettre est dédiée.
Je t’ai connue au début des années 90. Tes mains, toutes fines, étaient déjà marquées par les travaux saisonniers sous le soleil du Maine et Loire, le jardin de la France. Tu n’étais pas une causeuse – en tout cas pas avec moi – et tu ne m’as pas appréciée au premier contact. Moi non plus d’ailleurs… Je te trouvais sur la défensive mais je pressentais que tu cachais bien des choses derrière ce côté abrupte et ces blousons sans forme. Dans cette association de formation, tu étais appréciée de tous. Magie des rencontres improbables, quelques années plus tard, tu donnais le premier bain de ma fille, née en 94. Fallait-il que je sois en confiance… Tu as été pour son frère et elle une deuxième maman, une maman pleine de ressources.
Nous les appelons les aidant. Eux se reconnaissent avant tout comme des conjoints, des parents, des enfants, des frères et sœurs, de bons voisins, de fidèles amis… Qui sont-ils ces anonymes qui, tous les jours, contribuent au maintien à domicile et au mieux être d’un proche ?
Le 6 octobre, nous parlons d’eux et saluons leur contribution qui n’a pas de prix mais, le reste du temps, elle semble naturelle, acquise et allant de soi.
Ces aidants sont un peu plus de 8 millions, avec une majorité de femmes, d’âge, de situation et de revenus très différents, potentiellement vous et moi…
On « devient » plus qu’on ne « choisit » d’être un aidant. Le passage du temps, le handicap, la maladie, l’accident… ce rôle peut nous incomber d’un jour à l’autre mais qui de nous souhaite penser à ces choses de la vie et les anticiper ?
J’ai fait ta connaissance à l’aube de ton adolescence. Tout en toi était encore du côté de l’enfance : ta démarche, ta voix, tes gestes, tes grimaces, tes questions et surtout ton innocence et ta spontanéité. Je savais qu’une maladie diagnostiquée dans tes toutes premières années, puis un traitement lourd, avaient ralenti tes apprentissages, perturbé ton équilibre et infléchi ton champs des possibles. Jamais tu n’auras le maintien d’une porteuse d’eau ou la faculté de voyager en solitaire. Qu’importe ! Ta volonté est forte. Je t’ai vu tomber, renverser ou laisser échapper des choses. Mais je n’ai jamais vu la moindre étincelle de découragement dans ton regard.
J’entendais récemment évoqué un homme en situation de handicap qui confiait que sa plus grande souffrance était que les seules personnes venant le voir étaient payées pour cela… A quelques jours d’intervalle, je discutais avec une retraitée qui me disait combien il lui était plus facile, en tant qu’aidante professionnelle, de s’occuper de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer que de sa propre mère, elle aussi touchée par la maladie. Ces deux personnes abordent des questions difficiles, sans réponse évidente, car chacun d’entre nous est unique dans sa manière d’être à l’autre et dans ce qu’il attend de cette relation à l’autre…
L’autre jour, je me mets dans la queue à une caisse de supérette. Un monsieur âgé est sur le point de payer. Il fouille son portefeuille, sort des tickets de caisse, une liste de courses. Ses gestes sont lents, très lents, trop longs pour l’hôte de caisse (on les appelle ainsi je crois) qui montre déjà des signes d’impatience. Il lève les yeux en l’air, sifflote nerveusement, ébauche un sourire crispé aux autres clients dont je fais partie.
L’hiver dernier, par une belle journée ensoleillée mais froide, je me promenais sur une digue en bord de mer, le nez enfoui dans mon écharpe et les oreilles planquées sous mon bonnet. Je n’aurais pu ne rien voir si, même par grand froid, mon regard ne s’était porté sur cette mer opale qui me fascine. Après des mois sans avoir écrit une seule ligne, j’avais envie de mettre des mots sur ce beau souvenir, surpris à l’horizon. J’ai pris une photo de l’endroit mais celle que j’y ai vue ce jour là, la jeune fille au carrosse motorisé, vous devrez l’imaginer… Même si j’avais eu sur moi un appareil, jamais je n’aurais interrompu la magie de ce moment. Allez, levez le nez et portez votre regard loin de vous, là où d’autres peuvent vous émerveiller…
Victoria est décédée en janvier. Peu de temps avant, sa fille lui dédiait un récit et évoquait la maladie d’Alzheimer, « cette intruse ». Si nous parlons à nouveau d’elle, c’est parce que sa fille tenait à porter à notre attention un épisode regrettable de sa fin de vie. Nous ne citerons pas le service de gériatrie dans lequel cet épisode a eu lieu ; il n’est pas dans notre intention de faire d’un cas une généralité. Néanmoins, pour avoir été moi-même témoin d’une scène douloureuse en gériatrie, ces cas existent et ils sont d’autant moins acceptables qu’ils touchent des personnes démunies. Combien de personnes âgées isolées sont-elles quasi oubliées dans des services surchargés ou mal encadrés ?
L’arrivée de la neige ne laisse jamais personne indifférent : les enfants trépignent, à la fois énervés et impatients ; les adultes redoutent ses effets sur leurs déplacements ; les personnes âgées la craignent car, aussi belle soit-elle, elle ralentit encore plus leurs pas… J’aime par dessus tout le silence qui arrive avec la neige, notamment en province. Les véhicules se font rares, les bruits sont comme absorbés et seuls les véhicules de salage et les cris des enfants enivrés interrompent cette ambiance ouatée.
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